Injustement oublié, Pierre Daninos, « forgeur de mots » selon son éditeur, a été l’un des grands noms de l’humour en France. Si ses œuvres n’ont pas toujours contenu un « grain de folie », on peut dire que Les Touristocrates est un must dans ce domaine. Publié en 1974 chez Denoël, à une époque où le Titanic n’était pas à la mode, le roman, véritable feu d’artifice de bons mots, contient un chapitre intitulé « Le porte-malheur ». Le narrateur, qui participe au dernier tour du monde du paquebot France, rencontre un passager inquiétant qu’il affuble du surnom de « Titanicman ». Le lecteur attentif se souviendra que déjà, en 1928, dans le roman Dans les Brumes des Grands Bancs, Henri Bernay faisait apparaître un tel personnage, qui citait le Titanic pour justifier de son angoisse à bord du paquebot qui le conduisait au Canada. Chez Bernay, le porte-malheur attirait effectivement la catastrophe, et le Maple Leaf sombrait dans l’Atlantique ; chez Daninos, Titanicman ne fait que se rendre ridicule et terriblement comique. Cet excellent roman étant assez peu connu, nous avons décidé de publier les principales pages de son Chapitre 3, consacré à Titanicman, « le porte-malheur », en hommage à Pierre Daninos (26 mai 1913 – 7 janvier 2005).